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Massages spéciaux en cas de blessure
Les blessures font partie de notre vie quotidienne : elles témoignent de nos excès, des abus en tout genre que nous imposons à notre corps. Il y a des blessures que nous ne remarquons même pas ; c’est, par exemple, un bleu que nous ne parvenons pas à expliquer. Mais une fracture, qui est pourtant rarement fatale, peut devenir un inconvénient majeur dans la vie de quelqu’un. Les blessures sont traumatisantes, dans le sens où notre conscience enregistre une réaction à toute agression. On dit alors que nous sommes « sous le choc ».
A la différence des maladies, qui sont souvent récurrentes, de nombreuses blessures donnent lieu à des guérisons complètes spectaculaires. Même les plus blasés s’émerveillent des facultés de régénération du corps humain, car si les services d’urgence des hôpitaux entourent les patients de soins spécialisés et d’une surveillance constante, leur atmosphère stérile et impersonnelle n’est pas faite pour accélérer le processus de guérison.
Même les blessures les plus destructrices se réparent d’elles-mêmes pour peu qu’elles reçoivent un minimum de soins. Notre système nerveux est à ce point sensible qu’avant même que nous ayons conscience d’une coupure à la peau, par exemple, le corps a déjà commencé son processus de cicatrisation. En cas de blessure, il n’y a guère de remède qui soit d’une grande utilité, et un os fracturé, s’il réclame parfois une intervention chirurgicale pour rétablir l’alignement, guérit de lui-même et se fait plus solide qu’avant sans autre assistance.
Personne n’est à l’abri des blessures, mais certains le sont manifestement moins que d’autres. Nous ne pouvons bien sûr pas nous prémunir contre l’éventualité d’une blessure, mais il n’empêche que certains facteurs de risque peuvent être relevés : un corps en mauvaise condition physique a plus de mal à supporter les contraintes extérieures ; la fatigue et la tension rendent vulnérable aux efforts, même les plus minimes ; un régime déséquilibré peut se traduire par un affaiblissement ; la négligence est souvent cause d’accidents.
Nous allons commencer par une description théorique des blessures occasionnées aux tissus mous du corps humain, et nous verrons ensuite comment le massage peut contribuer à encourager la guérison.
Si le traitement des blessures ou les soins aux blessés vous intéressent, il faudra vous procurer un manuel de secourisme, comme en publie la Croix-Rouge, par exemple.
QU’EST-CE QU’UNE BLESSURE ?
Notre réaction en cas de blessure dépend souvent de l’incommodité qui en résulte. D’un point de vue thérapeutique, on peut distinguer les blessures « légères », qui n’engendrent guère de dommages et qu’un peu de repos suffit à guérir, et les blessures « graves », qui se traduisent par une destruction ou une rupture des tissus de nature invalidante.
Les blessures légères
Bien souvent, ce qualificatif renvoie autant à la situation qu’au dommage subi : une blessure nous apparaît insignifiante lorsqu’elle a une cause simple. Nos réactions, peu spectaculaires, nous semblent aussi difficiles à cerner. C’est d’ordinaire une simple raideur, avec un peu d’inflammation, mais si ces sensations diminuent au bout de vingt-quatre heures, nous considérons que nous sommes en train de guérir.
Un grand nombre de blessures légères sont provoquées par un surmenage du corps et, même si l’on ne restreint pas ses efforts, il suffit d’habitude d’une pause et d’un peu de repos pour éviter les problèmes. Lorsque des blessures, en apparence légères, surviennent de façon récurrente, par exemple des maux de dos, il convient de s’interroger sur l’état de santé général de la personne aussi bien que sur les circonstances qui sont à l’origine de ces ennuis.
Les blessures graves
Une blessure de prime abord légère peut s’avérer être par la suite une blessure grave. Si tel n’était pas le cas, on pourrait déterminer d’emblée si l’on a subi un dommage sérieux selon la douleur que l’on ressent, le sang qui s’écoule ou un membre qui enfle. Mais « grave » ne signifie pas que la blessure en question représente nécessairement une menace pour la vie. En fait, la réaction de notre organisme témoigne dans sa vigueur de la mise en œuvre du processus de guérison. Cela demandera cependant plus de temps ; et c’est ici que des traitements plus appropriés peuvent intervenir pour optimiser les efforts de notre corps.
QUE SE PASSE-T-IL EN CAS DE BLESSURE ?
Le corps perd du sang. Les petits vaisseaux sanguins se rompent facilement et les blessures s’accompagnent presque inévitablement d’hémorragies. Le sang se répand dans les tissus organiques et se répartit ensuite sous l’effet de la force de gravité. Ceci explique pourquoi un hématome n’est pas toujours situé précisément à l’endroit douloureux. Si l’on a perdu beaucoup de sang il s’ensuit parfois une importante perturbation de la tension artérielle, qui est souvent plus grave que la blessure elle-même. Plutôt que de recourir à un garrot, on devrait toujours essayer d’étancher un écoulement de sang en appliquant de l’eau froide, en comprimant et en soulevant la partie blessée (en prenant bien soin d’éviter tout corps étranger s’il s’agit d’une plaie ouverte).
Peu de temps après la blessure, les petits vaisseaux se resserrent et le sang coagule sous l’action des plaquettes sanguines qui, associées aux fibroblastes, reconstituent les tissus cellulaires. Tout cela peut se produire très rapidement, pour autant que la blessure ne soit pas aggravée. C’est pourquoi il vaut mieux ne pas déplacer inutilement un blessé.
L’inflammation et la douleur. Conjointement à la perte de sang, il se produit une réaction dans les tissus environnants qui n’ont pas été endommagés : les vaisseaux adjacents se dilatent pour laisser passer, vers la blessure, un sang plus fluide qu’à l’ordinaire, nommé « exsudât », qui contient un nombre accru de globules blancs, ou leucocytes, dont le rôle est de nettoyer la blessure. L’efficacité de l’exsudat tient dans ses propriétés désinfectantes et dans le fait qu’il provoque un raidissement des tissus blessés, empêchant ainsi des mouvements qui viendraient compliquer encore les dommages subis. Sa présence stimule également la formation de tissus neufs.
La chaleur, le gonflement, la rougeur et la sensibilité d’une région du corps sont donc les signes qui accompagnent l’exsudation. Les bénéfices de cette réaction spontanée devraient nous inciter à supporter bravement ces inconvénients mineurs, d’autant que le massage peut ici apporter un soulagement. Le traitement d’une blessure commence par la maîtrise de la douleur. Par ailleurs, une prise en charge attentionnée des blessés a encore le mérite d’éviter bien des complications que pourrait engendrer une mauvaise interprétation des réactions de l’organisme.
QUELQUES BLESSURES COURANTES
Dans la mesure du possible, il vaut toujours mieux qu’une personne gravement blessée soit emmenée à l’hôpital le plus proche. C’est indispensable pour que sa blessure soit examinée dans de bonnes conditions sous tous ses aspects. Il peut arriver que vous soyez amené à administrer les premiers soins, mais il est plus probable que votre partenaire attendra d’avoir consulté un médecin avant de s’adresser à vous.
Le traitement décrit dans ce chapitre suppose, en tout cas, qu’un diagnostic compétent a été posé. Si jamais vous êtes obligé de soigner une blessure sans assistance médicale, il faudra vous fier à vos propres capacités et suivre les principes de base du secourisme. Efforcez-vous de rester calme pour rassurer le blessé.
Luxation
Il s’agit généralement d’un os qui s’est déboîté de son articulation. Pour le remettre en place, il faut un spécialiste et bien souvent une anesthésie générale. Un jour, sur une île, loin de toute infrastructure médicale, il m’est arrivé, en compagnie de quatre autres non-spécialistes, d’avoir à réduire une luxation de l’épaule à la lueur d’une bougie. Sans doute avons-nous eu de la chance que le blessé ait eu les sens engourdis par l’alcool. En tout cas, la décision de risquer l’opération fut une épreuve bien plus effrayante pour nous que pour lui !
Lésions osseuses
Elles sont souvent moins importantes que les lésions articulaires avec lesquelles elles vont généralement de pair. Parmi les traumatismes osseux, le plus grave est la fracture, dont les effets sont si manifestes et invalidants que l’on a du mal à imaginer quelqu’un se promenant avec une jambe cassée sans s’en rendre compte. Pourtant, ce n’est pas exceptionnel. Les fractures vont de ce cas extrême à des situations bien plus compliquées où des fragments d’os endommagent d’autres tissus (par exemple une perforation du poumon par une côte cassée). On a tendance à négliger les foulures et les entorses qui accompagnent souvent les fractures. Sans doute est-ce en raison de la confiance que nous avons dans les facultés de régénération des os. Le massage est indiqué aussi bien pendant qu’après l’immobilisation du membre fracturé.
Blessures à la colonne vertébrale
Elles consistent souvent en des tensions qui s’exercent sur des endroits précis de la colonne vertébrale : par exemple au niveau du cou (vertèbres cervicales), de la poitrine (vertèbres dorsales) et à la jonction entre la colonne et le bassin (articulation sacro-iliaque). On observe un type de lésion plus grave lorsqu’une pression excessive s’exerce sur les disques qui servent d’amortisseurs entre les vertèbres. Sous l’effet des diverses contraintes imposées par notre posture au cours de la journée, ils se tassent un peu comme des coussins et perdent de leur épaisseur. Avec le repos, ils reprennent leur forme initiale. Mais lorsque la pression est mal répartie, il peut arriver que le disque vienne irriter une racine nerveuse. La douleur localisée qui irradie ensuite le long du nerf sciatique, par exemple, est parfois très intense.
Les fractures de la colonne vertébrale relèvent des urgences hospitalières.
Plus que l’exercice, c’est la façon de se tenir qui peut contribuer à soulager des problèmes à la colonne. Si vous voulez que les effets bénéfiques d’un massage du dos se prolongent durablement, il vous faudra donc trouver des arguments convaincants et stimulants pour inciter votre partenaire à corriger sa posture. Une bonne connaissance du squelette humain devrait vous y aider. Vous pourriez ainsi faire comprendre à votre partenaire que :
– sa colonne vertébrale occupe, dans le corps, une position centrale et permet de maintenir sans effort une station debout ;
– le bon maintien des muscles abdominaux est plus important que toutes les tentatives pour soulager une raideur dorsale (ill. 45) ;
– les contraintes sont plus grandes en cas de douleur à la colonne vertébrale si l’on s’assied que si l’on reste debout ;
– des positions aussi opposées que la marche, d’une part, et la station couchée avec les jambes fléchies, d’autre part, ont le même effet relaxant sur la colonne vertébrale.
Blessures associées à des activités sportives
Elles sont dues à une préparation physique insuffisante, une mauvaise technique et un enthousiasme excessif. Par rapport à la vie quotidienne, tous les sports comportent un plus grand risque de blessures, surtout lorsqu’ils sont pratiqués pour compenser un style de vie « malsain ». Les efforts consentis ne sont pas toujours équilibrés. Quant aux sports de compétition, ils développent un stress qui peut parfois ruiner les bénéfices de l’exercice physique.
Rééducation
Lorsque les ligaments qui soutiennent une articulation ont été endommagés, on a recours à des exercices particuliers qui s’inscrivent dans le cadre de séances de massage. C’est en cela que consiste la rééducation.
Lésions articulaires
Elles sont d’ordinaire la conséquence d’une chute. Cela va de l’entorse, où les ligaments sont distendus, voire arrachés, à la luxation, c’est-à-dire au déboîtement d’une articulation. Souvent, dans un accident, l’articulation cède pour éviter une fracture osseuse. A court terme, cela peut paraître préférable, mais les lésions articulaires guérissent lentement et, mal soignées, elles peuvent entraîner des complications rhumatismales ; tandis que les os se réparent pour ainsi dire d’eux-mêmes.
Les articulations résistent à des contraintes très grandes, pour autant que celles-ci soient lentes et progressives. Mais un mouvement sec, même léger, suffit à les forcer. C’est ce principe qui a été mis en application dans les manipulations thérapeutiques pour débloquer certaines articulations. S’il vous est arrivé de recevoir un traitement de ce genre au niveau des vertèbres, vous vous rappellerez peut-être comment le praticien s’emploie, par sa conversation, à détourner votre attention consciente. Il vous demande, par exemple : « A votre avis, combien y a-t-il d’ostéopathes dans la région ? » Et pendant que vous réfléchissez à votre réponse, votre vertèbre bloquée est remise en place.
La meilleure protection contre les blessures articulaires réside dans une musculature souple et résistante. La chirurgie permet de réparer les ligaments arrachés, mais pour peu que l’on maintienne en contact les tissus déchirés et que l’on immobilise l’articulation, la guérison se produit spontanément. On a ainsi établi que même un tendon d’Achille rompu (dans le talon) peut se ressouder si les deux parties du tendon sont maintenues ensemble.
Blessures cutanées
Il faut citer ici les abrasions, les lacérations, les brûlures et les échaudures (brûlures par un liquide bouillant). Toutes ces blessures réagissent bien à un traitement par hydrothérapie. La peau comporte trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme ou tissu sous-cutané (ill. 46). Ses facultés de régénération sont remarquables. Ainsi, vous aurez peut-être pu remarquer que des égratignures superficielles guérissent souvent complètement dans les quarante-huit heures. Pour les blessures plus profondes, l’hydrothérapie est un traitement idéal pour soulager la douleur, nettoyer et protéger la plaie.
Les brûlures qui atteignent les couches profondes de la peau ou qui couvrent une superficie considérable réclament une surveillance médicale complexe, en raison des fonctions organiques importantes de la peau ; mais même dans des cas aussi graves, on considère que l’humidification peut rendre de précieux services.
Un autre avantage évident de l’hydrothérapie est qu’elle permet d’éviter les sutures, sauf dans les cas les plus graves, et qu’elle réduit les risques de cicatrice en facilitant un nettoyage en profondeur de la plaie.
Blessures des muscles et des tendons
Ce sont les déchirures et les claquages. Les muscles protègent notre corps aussi bien qu’ils le meuvent et leur intervention héroïque nous tire parfois de situations périlleuses. En cas de danger, les tissus musculaires reçoivent de l’organisme une énergie extraordinaire, mais notre vitesse de réaction est fonction de notre condition physique. Toutefois, il existe des sports ou des occupations qui développent un ensemble de muscles au détriment des autres, et ce déséquilibre est à l’origine de nombreuses blessures.
Une lésion musculaire grave exige un repos complet. Si nous sommes incapables de rester sans bouger, il faut finalement opter pour un plâtre, qui agit sans doute comme une « prison » efficace, mais qui a l’inconvénient d’isoler la blessure du reste du corps dont elle fait pourtant partie.
Chez les personnes en bonne forme, des blessures récurrentes laissent soupçonner un mauvais choix dans la pratique d’un sport. Ainsi, au sein d’une équipe, chacun doit occuper une position qui convient à son physique. Le travail de soigneur auprès de sportifs professionnels est pour les masseurs une excellente manière d’acquérir une expérience dans le traitement des blessures. J’ai ainsi discuté avec un jeune praticien qui a proposé ses services à une équipe de football américain et qui m’expliquait qu’aux yeux des joueurs les blessures faisaient partie intégrante du jeu ! L’engouement pour les activités sportives et le développement des infrastructures laissent présager que la demande de masseurs capables de soigner des blessures ira en augmentant.
LE TRAITEMENT DES BLESSURES
La prise en charge des blessures comporte trois étapes :
1. Limitation du traumatisme (24 à 48 heures).
2. Stimulation de la circulation ; massage (après 48 heures).
3. Exercices de rééducation (jusqu’à restauration de la mobilité normale).
Voici maintenant comment traiter une cheville blessée.
Première étape : limitation du traumatisme
On utilise pour ce faire des bandages de compression et de l’eau froide. En cas de blessure, la réaction immédiate du corps est la production d’exsudat, ce sang d’un genre particulier qui stimule la guérison et nettoie la plaie. Il est important alors de comprimer la blessure de l’extérieur afin d’éviter que l’exsudat ne s’accumule au risque de provoquer des adhérences des tissus environnants, qui resteraient raides et douloureux après la guérison. Par la suite, le massage ne suffit pas à décoller les tissus adhérents et, dans les cas graves, il faut envisager une intervention chirurgicale.
Un autre facteur d’adhérence est précisément le massage ou l’exercice intervenant trop tôt dans le processus de guérison. Le mouvement prématuré irrite les tissus endommagés et stimule la formation d’exsudat.
Utilisation du bandage de compression
Dès que l’état de la blessure le permet, on entoure la cheville au moyen de coton hydrophile et de bande Velpeau, en insérant l’ouate entre deux couches de bande Velpeau.
Puis le bandage est immergé dans de l’eau glacée ou imbibé pendant quinze minutes (ill. 47). Le froid contribue à soulager la douleur, car il restreint la conductibilité des nerfs. Par ailleurs, son effet vasoconstricteur réduit les pertes de sang. C’est pour ces raisons qu’au début, il ne faut jamais appliquer d’eau chaude sur une blessure. La chaleur sera plus utile par la suite pour soulager les spasmes musculaires et accroître l’afflux sanguin vers la blessure.
Le bandage doit maintenir fermement la région blessée, mais il doit aussi respecter une posture neutre, anatomique. Si le genou ou le coude peuvent être juste un peu fléchis, la flexion d’une cheville blessée doit être complète. Quand c’est possible, on veillera à maintenir la blessure dans une position plus élevée par rapport à la poitrine. On aura soin également de garder le bandage bien humide et froid.
On peut alors envisager de transporter le blessé vers un hôpital ou un autre service de soins. Ce n’est qu’après avoir obtenu un diagnostic compétent, à moins qu’aucune assistance médicale ne soit disponible, que l’on passera éventuellement à la deuxième étape.
Deuxième étape : stimuler la circulation
Dans les trente-six à quarante-huit heures, la plupart des blessures occasionnées aux tissus mous ont entamé le processus de guérison. Le traitement vise maintenant à stimuler la circulation autour de la blessure et à veiller au confort du corps au repos. On ôte le bandage pour inspecter la cheville. (Si la partie enflée n’a pas réduit de volume, on replace le bandage et on le maintient encore humide et froid pendant vingt-quatre heures.)
Si la blessure est moins enflée, mais toujours douloureuse, on aura recours au massage personnel ou à l’hydrothérapie.
Massage personnel : Demandez à votre partenaire de faire jouer ses articulations situées au-dessus et en dessous de la blessure. (Dans le cas de la cheville, fléchir le genou et remuer les orteils pendant deux minutes.) Évitez toute irritation directe et gardez de préférence la jambe surélevée. On pourra parfois se servir d’une lampe à infrarouge.
Hydrothérapie : Appliquez alternativement une serviette humide très chaude et une autre froide six fois de suite, trois minutes chacune, en terminant par la froide. A la place des serviettes, on peut aussi vaporiser de l’eau chaude et froide, ou immerger la partie blessée quand il s’agit d’une cheville ou d’un poignet.
Attention : Si la blessure comporte une brûlure ou une plaie ouverte, évitez l’application chaude et alternez les applications froides avec des pauses de trois minutes.
Remettez le bandage de compression. Plutôt que de garder un bandage humide pendant la nuit, on préférera bander la blessure avec un linge sec maintenu au frais par une serviette humide par-dessus. Si la cheville est toujours douloureuse pendant la nuit, il peut être utile de la plonger dans l’eau froide avant de remettre le bandage sans la sécher au préalable. Le matin, on mouillera à nouveau le bandage de nuit.
Massages
Si, au bout de quarante-huit heures, vous observez une amélioration suffisante – la blessure est moins enflée et moins sensible –, vous pouvez commencer à masser doucement votre partenaire. Dans le cas contraire, répétez les étapes précédentes. Si l’enflure ne diminue pas, ce peut être le signe d’un dommage plus profond, éventuellement osseux ; il arrive aussi que le blessé fatigue trop sa cheville. Si, en outre, la blessure s’accompagne d’un choc émotionnel, la guérison peut être plus lente.
1. Recommencez les applications chaudes et froides. Effleurez fermement, en remontant vers la blessure (mais sans passer dessus), et continuez le mouvement au-delà. Répétez la manœuvre jusqu’à ce que vous observiez une réduction visible du volume de la partie enflée.
2. Demandez à votre partenaire d’essayer de remuer pendant deux minutes l’articulation endommagée. Protégez la blessure avec du coton hydrophile sec, maintenu par une bande Velpeau, et suggérez à votre partenaire de recommencer à se servir normalement de son corps, en se ménageant cependant des périodes de repos pendant la journée. La blessure peut être plongée dans l’eau froide quand elle devient douloureuse.
3. Deux jours plus tard, si l’enflure a encore diminué, recommencez l’effleurage en passant cette fois légèrement sur la cheville et en poursuivant plus fermement au-delà. Pratiquez quelques manœuvres de friction sur la blessure par des mouvements circulaires du bout des doigts, sans vraiment appuyer mais en cherchant plutôt à détacher la peau. Si votre partenaire est d’accord, vous pouvez tremper vos doigts dans une huile parfumée à la lavande avant de le masser. Recommencez l’effleurage.
Ces manœuvres visent à empêcher la formation d’adhérences provoquées par la réponse circulatoire de l’organisme à la blessure. Elles ne doivent pas gêner le processus de guérison qui s’opère dans les nouveaux tissus. Pour favoriser le retour du sang vers le cœur, soulevez la région blessée ou reposez-la sur des coussins pendant et après le massage.
Selon la gravité de la blessure, les massages pourront se poursuivre durant plusieurs jours, en attendant que votre partenaire reprenne confiance dans ses mouvements. On peut conserver le bandage sec jusqu’a complète disparition de l’enflure, mais il est préférable de l’ôter pendant la nuit.
Troisième étape : Rééducation
Quand votre partenaire est revenu à un usage presque normal du membre blessé, vous pouvez envisager de faire suivre le massage d’un programme d’exercices. (Vingt-quatre heures après le moment de la blessure, il est déjà possible de pratiquer un massage général du corps qui visera bien sûr à produire un effet relaxant, mais s’intéressera aussi particulièrement aux régions du corps qui compensent la perte de mobilité due à la blessure : la jambe opposée, les épaules, etc.)
Ces exercices ont trois objectifs : développer la force, la flexibilité, la coordination. On distingue trois catégories : les exercices passifs, les exercices actifs et les exercices contre résistance.
Force
Exercice passif : Prenez délicatement le pied et faites jouer l’articulation comme pour rappeler à votre partenaire les mouvements de sa cheville.
Exercice actif : Demandez à votre partenaire de mouvoir lui-même lentement sa cheville.
Exercice contre résistance : Maintenez fermement le pied. Demandez à votre partenaire de bouger la cheville comme précédemment en essayant de vaincre votre résistance (mais sans trop forcer). Votre effort et le sien doivent s’équilibrer sans qu’il y ait de « gagnant ».
Faites une pause et recommencez jusqu’à ce que votre partenaire soit fatigué.
Les mouvements contre résistance ont l’avantage de rendre la confiance à votre partenaire, qui peut constater, de manière contrôlée, les progrès de sa guérison. Ces exercices fortifiants devraient être pratiqués tous les deux jours.
Flexibilité
Exercice passif : Faites bouger le pied en extension, en flexion et en rotation, en maintenant chaque fois pendant trois secondes la position extrême.
Exercice actif : Demandez à votre partenaire de répéter lentement les mouvements.
Exercice contre résistance : Demandez à votre partenaire d’étendre le pied malgré votre résistance. Convenez ensemble du moment où vous relâchez tous les deux votre effort, et aussitôt après faites jouer en douceur l’articulation dans la direction opposée jusqu’à la limite supportable sans douleur.
Recommencez avec des mouvements de flexion et de rotation des deux côtés.
En cicatrisant, les tissus blessés se contractent et perdent de leur tonicité. Les manœuvres d’étirement servent alors à leur rendre leur élasticité et à favoriser encore la circulation. L’amélioration de la flexibilité est difficile à mesurer si vous ne savez pas quelle était la situation avant la blessure. La comparaison avec le membre opposé peut vous guider.
Coordination
Exercice passif : Marchez à reculons, sur le côté, etc. Faites une démonstration du mouvement que vous comptez travailler. Allez lentement et recommencez au besoin.
Exercice actif : Demandez à votre partenaire de faire passer quelque chose (une balle, par exemple) d’un pied à l’autre, ou encore de se mouvoir en rythme sur de la musique.
Mouvement contre résistance : Demandez à votre partenaire de s’immobiliser au milieu d’un pas, de changer rapidement de direction dès que vous l’ordonnez, de tenir en équilibre sur une jambe, etc.
Les exercices de coordination contribuent à restituer le membre blessé dans l’ensemble du corps. Votre partenaire doit en quelque sorte reprendre possession de soi. C’est une expérience éprouvante sur le plan émotionnel. Ne perdez pas de vue que votre rôle est d’encourager plutôt que de contraindre, et soyez toujours rassurant.
Montrez-vous créatif dans votre programme d’exercices pour mieux intéresser et stimuler votre partenaire. Les blessures provoquent parfois un état de dépression qui fait osciller une personne entre des moments d’enthousiasme excessif et de désespoir. C’est pourquoi il est essentiel que vous adoptiez une attitude constamment positive et réaliste quant à l’issue du processus de guérison.
La plupart des blessures des tissus mous (c’est-à-dire la peau, les muscles et les ligaments des articulations) peuvent être traitées selon les principes développés dans notre exemple. Les blessures au tronc sont plus délicates, car elles ont davantage d’implications nerveuses. Les blessures, tout comme les blessés, sont parfois imprévisibles. Sans doute devrez-vous puiser dans vos réserves de patience, mais aussi d’admiration devant le processus de guérison de votre partenaire. Si vous avez le moindre doute à quelque stade que ce soit, consultez un praticien expérimenté.
PRÉDISPOSITION AUX BLESSURES
Nous avons probablement plus à apprendre de nos blessures que de nos maladies. L’une des grandes différences est la façon si complète dont les blessures guérissent souvent. Après avoir été blessé, nous apprenons généralement comment éviter à l’avenir ce genre de problème.
Tandis que le fait d’avoir attrapé une maladie et d’en avoir compris la cause n’a qu’un effet relativement limité sur son incidence, du moins si l’on songe aux principales maladies de notre époque. (Coïncidence ironique : à mesure que se développe notre compréhension des facteurs de maladies, comme les problèmes cardiaques, plus ils apparaissent comme des blessures que l’on s’inflige à soi-même.)
Les causes que l’on peut associer aux blessures comprennent la condition physique, la fatigue et la tension, le régime alimentaire, et ce que nous préférons appeler les « accidents ».
Condition physique
Il est difficile d’en donner une définition qui satisfasse tout le monde. Dans une certaine mesure, c’est l’hérédité qui fait ou non la fragilité de notre cœur et de nos poumons, par exemple. Il y a au départ une inégalité : certains sont avantagés, tandis que d’autres auront des problèmes malgré la vie saine qu’ils s’efforcent de mener.
Même si nous savons désormais que certains comportements peuvent être dommageables, il y a des gens qui se demandent, non sans raison, à quoi bon vivre vieux si c’est pour se refuser tous les plaisirs de l’existence ! Après tout, comparé au « cadre dynamique » qui s’éreinte, pantelant, hagard, sur un vélo d’appartement, celui qui se contente d’être bien dans sa peau et de s’installer confortablement dans un fauteuil, avec un livre et une cigarette, est peut-être plus philosophe que complaisant. Une personne véritablement en mauvaise forme sait d’ordinaire à quoi s’en tenir en ce qui concerne ses limites.
Fatigue et tension
Ce sont les deux faces d’un même problème : un surmenage associé à une pression trop lourde à supporter. On considère parfois cet épuisement comme le signe d’un zèle enthousiaste, mais il ne fait aucun doute qu’une tension excessive finit par émousser nos réflexes et nos réactions.
Certains s’accommodent bien de ce train d’enfer parce qu’ils sont capables de « disjoncter » : ils s’abrutissent de travail, puis ils se changent complètement les idées d’une manière ou d’une autre jusqu’à ce qu’ils s’effondrent, épuisés, sur leur lit, et le lendemain, c’est reparti. C’est peut-être efficace, mais d’autres trouveront cette façon de se détendre un peu brutale…
Régime alimentaire
Une alimentation déséquilibrée gêne la croissance et, de la même façon, le rétablissement en cas de blessure. Nos sociétés d’abondance souffrent non seulement d’une nourriture trop élaborée et appauvrie, mais aussi de la complexité d’une alimentation riche qui exige autant d’énergie pour être assimilée qu’elle n’en apporte. La surconsommation de « bons » aliments peut même se traduire par une perte nette du point de vue nutritif.
Le facteur nutritionnel associé aux blessures le plus facile à identifier est peut-être la façon dont certains pseudo-aliments entravent le bon fonctionnement de l’organisme. Les produits traités industriellement ralentissent le processus de guérison, tandis que le jeûne l’accélère ; les aliments « stimulants » épuisent notre énergie ; les régimes amaigrissants contrarient notre appétit naturel.
Parmi les multiples controverses concernant l’alimentation, la question de la boisson demeure très confuse. On préconisait jadis de boire au moins quatre litres d’eau par jour. Par la suite, ces recommandations ont été rabattues de moitié, mais cela reste contradictoire avec les connaissances actuelles en physiologie. Au-delà d’une petite quantité minimale indispensable, les besoins en eau, comme en nourriture, varient selon les individus. On a même pu observer qu’une grande absorption de liquide gêne la digestion et affaiblit l’organisme. A titre d’indication, il faut savoir que, dans les quelques jours qui précèdent une rencontre de culturisme, les participants ont soin de boire le moins possible.
« Accidents »
Comment définiriez-vous un accident ? Pourriez-vous imaginer un moyen d’être toujours à l’abri de ce genre de choses ? Il arrive que des gens parfaitement entraînés, parfaitement détendus et parfaitement nourris se blessent. Dans ces cas, nous disons d’ordinaire qu’il s’agit d’un « accident ». On considère donc que les accidents sont imprévisibles, inévitables et, dans une certaine mesure, injustes. Pour la plupart d’entre nous, cette perspective ne nous empêche pas de nous livrer à des activités à risques.
On sait qu’il existe une dimension psychologique dans de nombreuses maladies. Est-ce aussi le cas pour les blessures ? En un sens, non, puisque le fait de s’embarquer sur un bateau qui va faire naufrage ou de se trouver au mauvais moment sur le lieu d’un tremblement de terre suggère que certains accidents sont par nature inévitables. Pourtant, à propos même d’événements de ce genre, des témoignages rapportent souvent des coïncidences troublantes.
Beaucoup d’entre nous ont connu, à l’une ou l’autre période de leur vie, une « propension » aux accidents. Il n’est pas mauvais de s’interroger sur la raison pour laquelle nous nous blessons dans ces moments-là, mais aussi sur la partie du corps qui est blessée. Le psychanalyste Karl Menninger a raconté à ce sujet des choses fascinantes, mais aussi bien souvent poignantes, dans son livre Man Against Himself.
LA PRÉVENTION DES BLESSURES
Une manière positive de réduire les risques de blessures pourrait être d’appliquer régulièrement, à titre préventif, des variantes d’un traitement dont on connaît les effets curatifs.
Cette approche devrait vous permettre d’insister sur les mouvements de contention, de mobilisation et sur le soutien moral qui font partie du traitement des blessures. Vous apprendrez plus facilement comment faire avec des partenaires en bonne forme et vous pourrez ainsi aborder en confiance le traitement d’une blessure quand elle survient.
Contention
Le repos forcé au cours d’une séance de massage est un peu l’élément correspondant au bandage de compression dans le traitement de la blessure : la chaleur est répartie dans le corps immobilisé et la force de gravité est comme supprimée. Beaucoup de receveurs s’habituent bien au traitement et à l’espacement régulier des séances, mais pour ceux que leur tempérament porte à aller toujours de l’avant, ceux qui ne peuvent pas s’arrêter cinq minutes sans avoir des démangeaisons, ce genre de repos forcé n’a rien de plaisant. A vous de le justifier par vos manœuvres de massage.
D’autres, moins actifs, attendront chaque séance comme un moment de répit et ne manqueront pas de prendre leur rendez-vous longtemps à l’avance. C’est ce qui explique les différences d’attitudes selon vos partenaires : il y a ceux qui se soumettent simplement à cette pause et d’autres qui se sentent « en vacances » et qui communiquent. A chacun de nous, le massage offre une interruption dans nos habitudes et nous aide ainsi à éviter certains ennuis auxquels, sans cela, nous ne pourrions échapper.
Mobilisation
Le receveur n’apprécie pas toujours l’intérêt que nous portons aux parties de son corps soumises à une tension extrême. Pour lui, un massage général est souvent plus agréable. Pourtant, nous observons des problèmes dont nos partenaires ne sont que vaguement conscients, et notre rôle est de nous efforcer de libérer la tension et de favoriser la circulation. Il nous faut néanmoins agir avec précaution en sondant les points de tension profonde : il ne faudrait pas que notre partenaire ait l’impression d’être dans un état plus grave qu’il ne croyait !
Pour en arriver au traitement que vous jugez utile, vous devrez faire intervenir votre familiarité avec le corps de votre partenaire, de même que les relations personnelles que vous avez établies avec lui. (C’est ainsi que la pratique se développe et que le receveur finit par s’en remettre à la façon dont vous « sentez » son corps autant qu’a ses propres sensations.)
Eu égard au caractère imprévisible des blessures, les manœuvres de mobilisation peuvent intervenir dans un massage général à titre de mesure prophylactique. La connaissance de l’anatomie et des articulations devrait vous aider à exercer les éléments qui les soutiennent. Vous pourrez ainsi créer et expérimenter votre propre programme de rééducation. Par ailleurs, ceux de vos partenaires qui sont dans un état de fatigue extrême seront surpris de découvrir combien ces exercices de mobilisation peuvent être stimulants.
Encouragement
Il arrive très souvent qu’un traumatisme émotionnel soit directement ou indirectement à l’origine d’une blessure physique. Même si j’ai qualifié certaines blessures de « légères », il faut se garder de minimiser les sentiments d’une personne. Les événements que nous vivons nous affectent fortement et engendrent parfois des réactions d’ordre conflictuel qui s’expriment par des reproches ou du ressentiment. En cours de traitement, de telles manifestations sont tout à fait compréhensibles. Elles ont une action libératrice sur nos partenaires. Encore faut-il que nous soyons à même, en tant que praticiens, de les accepter.
Notre rôle n’est pas d’apaiser immédiatement notre partenaire, mais plutôt de développer, par le massage, une atmosphère propice. Les séances régulières procurent un répit qui vient interrompre les tensions cachées de l’existence. Pour le receveur, c’est aussi un soutien de savoir que son état fait l’objet d’un intérêt suivi et compétent.